Gaspillage alimentaire : «
Il faudra des moyens pour gérer les nouveaux dons »
Le Monde.fr | 22.05.2015 par Jérémie Lamothe
Dans le cadre de l’examen de loi
sur la transition énergétique, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité,
jeudi 21 mai, trois amendements qui interdisent à la grande distribution
de jeter leurs invendus. Les distributeurs alimentaires devront s'efforcer de
prévenir tout gaspillage, ou à défaut d'utiliser leurs invendus au travers de
dons, pour l'alimentation animale ou encore à des fins de compost pour
l'agriculture, valorisation énergétique... Les moyennes et grandes surfaces de
plus de 400 m² auront l'obligation de conclure une convention avec une
association caritative afin de faciliter les dons alimentaires.
Une
obligation légale qui vient consolider un système qui existe déjà, rappelle
Jacques Bailet, président de la Fédération française des banques
alimentaires : « Cet
amendement renforce la solidarité qui était déjà présente entre distributeurs
et associations. Nous travaillons avec près de 2 000 grandes surfaces, c’est
notre principal contributeur. » Ainsi
sur les 100 000 tonnes de denrées alimentaires que distribuent chaque
année les Banques alimentaires, 35 % viennent des grandes surfaces. « Et il y a eu une
progression de 10 % entre 2013 et 2014 », précise Jacques
Bailet.
Le
vote des députés est également une très bonne nouvelle pour l’association Le
Chaînon manquant, qui fait le lien entre la grande distribution et les
associations alimentaires. Pour son délégué
général, Julien Meimon, « ce
vote contribue à mettre l’accent sur la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Ça va permettre d’amplifier et de dynamiser un système qui existe déjà ».
Mais
si l’unanimité a été trouvée dans l’Hémicycle et chez les associations
alimentaires, la grande distribution ne s’associe pas à ce consensus général. Pour
Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la
distribution (FCD), ces amendements « viennent
rajouter de nouvelles contraintes et de la paperasse supplémentaire ». « Nous comptons 4 500
magasins qui ont déjà des partenariats avec les associations alimentaires, poursuit M. Creyssel. Ces amendements viennent
compliquer un système qui marche. »
Du
côté de la Croix-Rouge, on reconnaît que « le
système de conventions entre les associations et la grande distribution existe
déjà ». Mais
pour Patrice Dalem, directeur de l’action sociale chez l’association
humanitaire, le vote des députés permet « une
prise de conscience de la part de ceux qui n’étaient pas dans cette démarche. C’est une dynamique vertueuse qui est mise en place. »
Mais le délégué général de la
FCD n’en démord pas. Ce dernier se soucie particulièrement des plus petites
surfaces : « On sait
bien que dans les grandes surfaces ça se passe bien, mais pour les plus
petites, celles qui font entre 400 et 1 000 m², ça sera plus compliqué de
respecter ces obligations. Elles se situent souvent en centre-ville, elles ont
peu de produits qui peuvent être donnés et elles n’ont pas forcément d’entrepôt
de stockage. »
Ces nouvelles obligations vont
également demander une logistique accrue aux associations alimentaires. Ces
dernières vont devoir s’adapter pour faire face à l’explosion des dons. C’est
le cas des Banques alimentaires, prévient Jacques Bailet : « Il
va falloir assurer des moyens humains et matériels pour gérer ces nouveaux
dons. Il faut que les associations bénéficient de moyens complémentaires de la
part des collectivités locales, des mécènes et des enseignes de la grande
distribution. »
Les associations mettent
notamment en avant la déduction fiscale de 60 % dont bénéficient les
grandes surfaces après chaque don. Pour M. Bailet, « il paraît normal qu’une partie
de cette déduction fiscale soit recyclée vers les associations, pour nous
permettre de nous équiper en biens logistiques ». Si le président des Banques
alimentaires souligne le bon comportement de Carrefour, « qui nous a déjà
livré près de 200 camions frigorifiques », il met en garde les autres groupes qui
ne voudront pas apporter une aide financière aux associations : « Nous mettrons les autres
enseignes en face de leurs responsabilités. »
Mais pour le délégué général de
la FCD : « On aide
déjà beaucoup les associations. Des fondations ont été créées par les grands
groupes pour financer des camionnettes, des entrepôts… On ne peut pas à la fois
donner et financer le système. » Pour lui, c’est désormais à « l’Etat et aux collectivités
locales de prendre leurs responsabilités ».
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