Avec cet article du Monde étudié et commenté en classe, nous célébrons notre centième article sur ce blog!
Relaxe
en appel du viticulteur bio qui ne voulait pas traiter ses vignes
Le
Monde.fr | 04.12.2014 | Par Audrey
Garric
Son cas avait ébranlé le monde du vin et, une nouvelle fois, interrogé l'usage des pesticides en agriculture. Emmanuel Giboulot, le viticulteur bio de Côte-d'Or, condamné en avril à une amende pour avoir refusé de traiter ses vignes contre la maladie de la flavescence dorée, a finalement été relaxé par la cour d'appel de Dijon, jeudi 4 décembre. La même peine qu'en première instance – 1 000 euros dont la moitié avec sursis – avait pourtant été requise début novembre.
« C'est
une victoire de la mobilisation citoyenne, c'est être lanceur
d'alerte »,
a déclaré à l'issue du prononcé de l'arrêt de la cour M.
Giboulot, acclamé par son comité de soutien. «
Il y a une prise de conscience de plus en plus importante quant à
l'importance de réduire l'usage
des pesticides, qui me donne des espoirs pour l'avenir de
l'agriculture »,
ajoute-t-il, interrogé par Le
Monde.
«
La cour a invalidé l'arrêté préfectoral obligeant à traiter les
vignobles, car il n'avait pas été approuvé par le ministre de
l'agriculture et surtout le caractère d'urgence n'était pas
démontré. C'est ce que nous défendions »,
se réjouit son avocat, Benoist Busson.
L'affaire
avait débuté en juin 2013, avec un arrêté
préfectoral imposant le traitement par
un insecticide de l'ensemble des vignobles de la Côte-d'Or. Visée
: la cicadelle, petit insecte vecteur de la flavescence dorée, une
maladie très contagieuse et mortelle pour la vigne. Alors que cette
épidémie se répand en France depuis
son apparition en 1949, plus de la moitié du vignoble est soumise à
un plan de lutte obligatoire en vertu de réglementations nationales
et européennes.
Pourtant,
à l'été 2013, aucun foyer avéré n'est détecté en Côte-d'Or.
Emmanuel Giboulot, qui exploite dix hectares de vignes en biodynamie
sur la Côte de Beaune et la Haute-Côte-de-Nuits, refuse alors
de traiter de
manière préventive ses ceps de chardonnay et de pinot noir.
«
L'insecticide, même autorisé en agriculture biologique [le
Pyrevert], n'est pas sélectif : il aurait détruit la cicadelle,
l'insecte vecteur de la maladie, mais aussi une partie de la faune
auxiliaire sur laquelle je m'appuie pour réguler l'écosystème
de mon vignoble », argumente-t-il au cours du procès en
première instance, devant le tribunal correctionnel de Dijon, en
février 2014. « Le préfet n'était pas compétent
pour imposer un
traitement des vignes dans la mesure où il n'y avait pas de
situation d'urgence », complète son avocat, Me Benoist
Busson.
«
En 2011 et 2012, un foyer important de flavescence dorée était
apparu dans la Saône-et-Loire voisine, et on a dû arracher une
douzaine d'hectares de vignes ainsi que milliers de ceps isolés dans
le département, rétorque à la barre Olivier Lapôtre,
chef du service régional de l'alimentation de la direction régionale
de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf)
de Bourgogne,
en charge de la lutte contre la flavescence dorée. Vu
la vitesse de la propagation, nous craignions une contamination en
Côte-d'Or. Il y a un décalage de quinze mois entre la contamination
des ceps et l'apparition de la maladie. ».
Après
des examens en octobre 2013, trois ceps se révèlent contaminés
dans le département. Pour la Draaf, qui a contrôlé le viticulteur
en infraction, c'est la preuve que « l'analyse de
risque s'est avérée juste » et que l'arrêté
préfectoral était nécessaire. Et, pour la représentante du
parquet, il y a bien eu « une infraction pénale ». Le
7 avril 2014, le tribunal de Dijon condamne Emmanuel Giboulot à 1
000 euros d'amende, dont 500 avec sursis, une peine légère alors
que le délit est passible de six mois d'emprisonnement et 30 000
euros d'amende. Qualifiant le jugement d'« injustifié » et
dénonçant une « pensée unique » sur l'usage
des pesticides dans les vignobles, il fait appel.
Son
cas ne pourra pas faire jurisprudence,
dans la mesure où certaines règles ont changé avec la loi
d'avenir pour l'agriculture. Mais Emmanuel
Giboulot estime avoir permis
d'« ouvrir le débat » et
d'« améliorer la situation ». « Cette
année, seules seize communes ont été soumises à un traitement
obligatoire contre la flavescence dorée. C'est la preuve que l'on
n'est pas dans un schéma de pandémie et qu'il n'y a pas besoin
de traiter l'ensemble
du département, assure-t-il. C'est
également grâce à la mobilisation des citoyens. »
Le vigneron de Beaune a bénéficié d'une très forte médiatisation, jusqu'aux Etats-Unis, où même le New York Times lui a consacré un éditorial. A Dijon, ils étaient près d'un millier à le soutenir en première instance. Mais c'est surtout sur le Web que la mobilisation a été la plus forte. Une pétition, lancée par l'Institut pour la protection de la santé naturelle, association basée à Bruxelles, a rassemblé plus de 540 000 signatures, tandis qu'une page Facebook recueillait près de 130 000 « likes ».
La
profession viticole, elle, ne voit pas d'un bon œil cette publicité
faite à la filière. Le Bureau interprofessionnel des vins de
Bourgogne (BIVB), après avoir dénoncé, en février,
des «
contre-vérités » véhiculées
autour du cas d'Emmanuel Giboulot, avait rappelé «
qu'à ce jour, il n'existe, hélas, aucune alternative
pour lutter contre cette maladie très épidémique et
mortelle pour la vigne »,
assurant que «
la volonté de l'ensemble des acteurs impliqués [était] de réduire au
minimum le nombre de traitements insecticides, ainsi que la surface
concernée ».
Un
constat d'échec auquel ne veut pas se résoudre Emmanuel
Giboulot, qui travaille sur des alternatives. Avec le Service
d'écodéveloppement agrobiologique et rural de Bourgogne (Sedarb),
une association qui vise à promouvoir le bio dans le
département, il mène des essais pour lutter contre la
cicadelle grâce à des procédés naturels comme la silice ou
l'huile de neem (margousier d'Inde). Les résultats
devraient être prochainement dévoilés.
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