Le cimetière des déchets
nucléaires sera testé en 2025
Le Monde.fr |
06.05.2014
Assouplir le calendrier… pour mieux continuer. Telle
est, en substance, la décision de l'Agence nationale pour la gestion des
déchets radioactifs (Andra), maître d'ouvrage du projet de Centre industriel de
stockage géologique (Cigéo). La demande d'autorisation de création de ce «
cimetière nucléaire », initialement prévue en 2015, ne sera finalisée qu'en
2017. Et son exploitation, à partir de 2025, commencera par une « phase
industrielle pilote » de cinq à dix ans. Une façon de donner du temps au temps,
donc, mais sans dévier de cap, en dépit de l'opposition persistante des
riverains et des anti-nucléaires qui dénoncent « un nouvel enfumage ». Le
projet Cigéo vise à enterrer dans le sous-sol de la commune de Bure, entre la Meuse et la Haute-Marne , les 80 000 m3 de résidus à
haute activité et à vie longue générés par le parc nucléaire français. Ces
produits, issus du retraitement des combustibles usés, ne représentent que 3 %
du volume total des déchets nucléaires, mais ils concentrent plus de 99 % de
leur radioactivité et ils ne deviendront inoffensifs qu'au bout de centaines de
milliers, voire, pour certains, de millions d'années. Un réseau de 15 km2 de
galeries doit être creusé dans une couche d'argilite, à 500 mètres de
profondeur, pour abriter quelque 240 000 colis radioactifs.
L'Andra a donc décidé de « poursuivre le projet
Cigéo ». Mais, pour tenir compte des inquiétudes et de la « demande de
progressivité » exprimés par le public, l'exploitation démarrera - toujours en
2025 - par « une phase de tests grandeur nature ». Ceux-ci seront menés
successivement avec des colis factices (non radioactifs), puis avec un petit
nombre de vrais colis, enfin avec des déchets à haute activité et à vie longue.
Ce n'est qu'à l'issue de cette première phase que débutera « l'exploitation
courante », prévue pour une durée de cent ans.
Il faudra toutefois au préalable le feu vert du
gouvernement mais aussi et surtout, l'accord de l'Autorité de sûreté nucléaire
(ASN), nécessaire pour toute nouvelle installation nucléaire de base. Cet
accord n'est aujourd'hui pas acquis. « L'ASN ne pourra prendre position sur un
projet particulier qu'après que la démonstration de sa sûreté aura été apportée
», a souligné son président, Pierre-Franck Chevet. En rééchelonnant son
calendrier, l'Andra se donne en fait le temps de peaufiner son dossier
technique.
Reste à savoir quel impact la future loi sur la
transition énergétique, qui pourrait modifier la place faite à l'atome dans le
futur mix électrique français – et de ce fait augmenter le volume des déchets
nucléaires ultimes à gérer – aura sur ce projet. La nouvelle ministre de
l'écologie, du développement durable et de l'énergie, Ségolène Royal, s'était
déclarée en 2011 pour « l'abandon des projets de stockage en grande profondeur,
en particulier sur le site de Bure. Nous réorienterons la recherche vers des
solutions d'élimination et de retraitement ».
Il faudra aussi compter avec la mobilisation des
associations locales et nationales qui, depuis des années, se battent contre la
transformation du site de Bure en « décharge atomique ». La coordination Bure-Stop
estime que « l'Andra fait semblant de ralentir le calendrier tout en ne
changeant strictement rien au projet final : l'enfouissement à partir de 2025
». Et de réitérer, à l'intention du Parlement qui, in fine, aura à trancher sur
le Cigéo : « Le message citoyen est clair : non à l'enfouissement imposé. »
Pierre
Le Hir
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