Migrants : l’Europe des égoïsmes nationaux
Il n’y aura pas de politique commune de l’Union européenne (UE) à l’égard des réfugiés fuyant les guerres de la banlieue sud de l’Europe – de la Syrie à l’Irak. Face à une tragédie humanitaire à ses marches, l’UE est incapable d’action collective. Ses vingt-huit membres ne peuvent se mettre d’accord sur les quelques opérations de solidarité et de bon sens proposées par le président de la Commission, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.
Au
terme d’échanges peu aimables, le front du refus d’Europe
centrale et orientale a empêché un accord en bonne et due forme qui
aurait ressemblé à une réponse collective de l’Europe. Pas
question pour ces pays-là d’accepter le principe d’une
répartition, même décidée ensemble, des réfugiés – peu
importe le nombre, c’est affaire de souveraineté. Si l’on avait
été jusqu’au vote, sans doute y aurait-il eu une majorité
qualifiée pour adopter le plan Juncker, mais on n’a pas
voulu prendre le risque d’afficher ainsi la division de
l’UE. L’Allemagne a dit, mardi matin, qu’elle se résignait mal
à cet échec : elle menace les récalcitrants de sanctions
financières. Elle a raison.
Laissons
de côté le fait que l’attitude des obstructionnistes est peu
conforme aux valeurs fondatrices de l’UE : après tout,
l’immigration ne fait pas partie, ou seulement très peu, des
compétences communautaires. Evitons les leçons de morale qui,
venant du monde politico-médiatique, ont peu de chance
de convaincre les Etats réfractaires – la Hongrie,
la Slovaquie, la Tchéquie, la Roumanie, par exemple – et
encore moins des opinions publiques dont les hésitations, légitimes,
sont exploitées par des partis sans scrupule à d’uniques fins
électorales. Tout cela serait contre-productif. De même
peut-on comprendre que nombre de pays membres des accords
de Schengen, qui instaurent la libre circulation de leurs
ressortissants au sein de l’UE, aient provisoirement rétabli des
contrôles aux frontières face à un afflux massif et soudain de
réfugiés.
Mais
il faut bien, pour autant, tirer une conclusion politique
de cet échec des Européens à décider ensemble d’un
minimum d’action collective face aux drames des réfugiés. Il
n’est pas seulement le symbole d’une Europe qui se referme face
aux malheurs de l’époque, une Europe qui entend ignorer la
tragédie qui frappe à ses portes. C’est le sens de l’Union
européenne qui est remis en question. Elle prétend avoir une
politique extérieure commune, défendre des valeurs
universelles, afficher l’exemplarité de ses démocraties,
en somme être autre chose qu’une simple zone de
libre-échange.
A
ce premier grand test, elle répond par son absence. Elle réagit
comme une association d’Etats liés par un accord de marché unique
et pas grand-chose d’autre. C’est une régression par rapport à
ses ambitions originelles. C’est aussi un aveu d’impotence
collective dangereuse. Les guerres du Proche-Orient ne vont
pas s’apaiser de sitôt. Même si l’Europe décide d’être
relativement indifférente au sort des familles qui fuient la guerre
et les persécutions les plus atroces, elle n’échappera pas aux
effets déstabilisateurs du chaos proche-oriental. Du seul point de
vue de la défense de ses intérêts, elle
doit agir collectivement. C’eût été bien
de commencer par les réfugiés.
Voici un lien vers un dessin engagé de Zep, le père de Titeuf sur le thème des réfugiés.
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