Les
arbres rafraîchissent l’air des villes tout en réduisant leur
pollution
LE
MONDE | 03.11.2016 Par Laetitia Van Eeckhout
Selon
une étude de l’ONG Nature Conservancy, en investissant à peine
3,6 euros par habitant dans la plantation d’arbres, les villes
pourraient sauver entre 11 000 et 37 000 vies par an.
Développement
du réseau de transports en commun, des services d’autopartage,
aménagement de pistes cyclables, de zones piétonnes, restriction de
la circulation dans le centre-ville, couverture de voies rapides…
Les villes se montrent de plus en plus soucieuses d’améliorer la
qualité de l’air sur leur territoire. Dans le même temps, sous
l’effet du changement climatique, elles sont appelées à connaître
des épisodes caniculaires de plus en plus fréquents et de plus en
plus intenses.
Parmi
les solutions, il en est une, encore trop souvent sous-estimée, qui
présente l’avantage de relever ce double défi d’assainir et de
rafraîchir l’air localement : la plantation d’arbres. C’est ce
que rappelle l’ONG environnementale américaine Nature
Conservancy dans un rapport présenté lors de l’Assemblée
annuelle de l’American Public Health Association qui se
tenait les 1er et 2 novembre à Denver (Colorado).
«
Les arbres ne peuvent pas, et ne doivent pas, se substituer à
d’autres stratégies d’assainissement atmosphérique, mais ils
sont un puissant moyen de purifier et refroidir l’air, qui peut y
être associé », souligne l’ONG qui a analysé le cas de 245
des plus grandes métropoles du monde. Et celle-ci de calculer qu’en
investissant à peine 4 dollars (3,6 euros) par habitant dans la
plantation d’arbres, ces villes pourraient sauver entre 11 000 et
37 000 vies par an et améliorer la santé de dizaines de milliers de
personnes, en réduisant la pollution de l’air et en apportant de
la fraîcheur dans les rues. Pour établir ces projections, Nature
Conservancy s’est appuyée sur les études médicales et
scientifiques portant d’une part sur la capacité des arbres à
assainir et rafraîchir l’air localement, et d’autre part sur
l’impact sur la santé d’une baisse des températures et des
concentrations en particules dans l’air.
Filtrer
les particules
De
nombreuses études scientifiques montrent que les arbres filtrent les
particules contenues dans l’atmosphère, ainsi que bien d’autres
polluants de l’air. Mais aussi que l’ombre projetée par les
arbres et la transpiration végétale produite lors de la
photosynthèse contribuent à faire baisser la température de l’air.
Or, dans toutes les villes, le taux de couvert végétal a baissé au
cours des vingt ou trente dernières années.
Aujourd’hui
dans le monde, selon l’Organisation mondiale pour la santé (OMS),
la pollution de l’air extérieur tuerait 3,7 millions de personnes
par an. Dans une étude publiée dans la revue Nature en septembre
2015 et portant sur les sources de cette pollution meutrière, une
équipe internationale de chercheurs d’Havard et de l’Institut
allemand de chimie Max-Planck, a même démontré que les seules
particules fines émises par les épandages agricoles, le chauffage,
les transports étaient à elles seules responsables de 3,2 millions
de morts, essentiellement entraînés par des maladies
cérébrovasculaires (type AVC) ou cardiaques (infarctus). Ce nombre
pourrait quasiment doubler d’ici à 2050 et atteindre 6,2 millions.
Quant
aux canicules, selon l’OMS, elles pourraient provoquer d’ici le
milieu du siècle la mort chaque année de 256 000 personnes. Or,
observe l’ONG, les arbres peuvent réduire de 20 % à 50 % les
concentrations en particules fines et offrir une diminution de
température d'entre 1 et 2 °C.
Un
impact sensible localement
«
L’impact est plus ou moins fort selon l’importance du trafic,
la densité, la configuration géographique du quartier »,
souligne Pascal Mittermaier en charge, pour Nature Conservancy,
de la place de la nature au sein des villes. Mais celui-ci d’insister
: « La plantation d’arbres est une solution qui doit être
réfléchie. Planter n’importe où ne sert pas forcément. »
D’autant que « les arbres fournissent des réductions
sensibles, mais concentrées localement, des particules et de la
température, l’essentiel de cette atténuation intervenant
généralement dans un rayon de 300 mètres autour des plantations »,
précise l’étude.
«
Il est pertinent de mettre des arbres le long des grands axes de
circulation pour protéger les habitations mitoyennes des afflux de
polluants, mais aussi dans les zones piétonnes, à proximité des
écoles, des maisons de retraite, des hôpitaux, relève Pascal
Mittermaier. En France, lors de la canicule de 2003, il y a eu moins
de décès là où il y avait plus de couvert végétal. »
Bienfaits
multiples
Le
choix des arbres a aussi son importance. Les types d’arbres plantés
il y a 50 ou 100 ans (comme les platanes, ou les marronniers) ne
répondent souvent pas aux besoins d’aujourd’hui car ils forment
en se déployant un couvercle retenant au sol la pollution. En
revanche, les arbres aux feuilles poilues, tels les bouleaux, sont
efficaces pour la suppression des particules.
En
plus d’assainir l’atmosphère, rappelle l’ONG, les arbres
favorisent aussi la biodiversité, jouent un rôle important dans la
gestion des eaux de pluies, préviennent l’érosion, réduisent le
bruit. « La nature en ville, insiste Pascal Mittermaier,
c’est aussi du bien-être, un plaisir esthétique, pour les
résidents. » Autant d’atouts essentiels pour les villes qui
d’ici le milieu du siècle abriteront les trois quarts de la
population mondiale.
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