La France lance un plan de bataille contre les sacs en plastique
En finir avec
les sacs en matière plastique que l’on n’utilise qu’une seule
fois et qui restent des siècles dans l’environnement : le
sujet était débattu depuis plus de dix ans. La façon
d’y parvenir se précise cette fois avec la publication
d’un décret d’application de la loi de transition
énergétique, jeudi 31 mars au Journal officiel. La
distribution de sacs fins – d’une épaisseur inférieure à 50
micromètres – aux caisses des magasins sera interdite à partir du
1er juillet. Les grandes surfaces, les boulangeries, les
pharmacies, les marchés, les stations-service : tous les
commerces devront s’y plier.
C’est
en fait un plan de bataille antiplastique, une source de pollution
majeure des océans en particulier, qui se met en place. Car dans un
deuxième temps, à partir du 1er janvier 2017, ce sera au tour
des sacs alimentaires les plus minces, utilisés pour emballer les
fruits, les légumes, les poissons, d’être bannis.
Il
faut donc s’attendre à une relative révolution dans le
comportement des Français, qui ont, certes, de moins en moins
recours à ces poches à usage unique depuis que les supermarchés
les ont rendues payantes, mais en consomment encore chaque année
17 milliards (dont 5 milliards aux caisses).
Pour célébrer l’événement,
le ministère de l’écologie avait invité, jeudi, des fabricants
de plastique… « biosourcé ». Car le papier ne suffira
pas à remplacer les matières appelées à disparaître,
ce qui place leurs propres produits sur le devant de la scène. D’ici
à 2025, ceux-ci devront être progressivement composés à
60 % de « matière d’origine biologique à
l’exclusion des matières intégrées dans des formations
géologiques ou fossilisées ».
La
loi ne prévoit pas seulement à quel rythme fécule de pomme de
terre, amidon de blé, de maïs ou encore huile de tournesol,
chardons et algues se substitueront progressivement aux dérivés
de pétrole dans la fabrication de sacs de nouvelle
génération. Elle anticipe que les futurs sacs devront être
compostables par les particuliers dans leur jardin ou sur
leur terrasse.
Concrètement,
ils doivent pouvoir être dégradés par les bactéries en
six mois, à une température ambiante de 26 °C. Le ministère
écarte enfin la fausse solution des plastiques « oxodégradables »,
car ceux-ci contiennent un additif oxydant à base de sels de
métaux qui fractionne la matière, la réduit en poussière, mais
sans la faire disparaître.
« Nous
remercions Ségolène Royal, lance John Persenda, PDG du
groupe d’emballage Sphere. Avant sa loi sur la transition
énergétique d’août 2015, il y avait déjà eu deux autres
lois sur cette question, mais aucun décret d’application n’avait
suivi. Celui-ci est très important ! Les plastiques sont des
produits merveilleux et bientôt 100 % des matières biosourcés
seront produites en France ou du moins en Europe de
l’Ouest. »
« On
avait investi en recherche depuis dix ans, sans retour, rapporte
tout aussi enthousiaste Christophe Doukhi-de Boissoudu, du club
Bio-Plastiques, qui promeut les plastiques biodégradables d’origine
végétale. Pendant ce temps-là, les importateurs asiatiques
ont pris la quasi-totalité du marché des sacs non
biosourcés. » Tous deux promettent la création
de trois mille emplois dans la nouvelle filière.
C’est
peu dire qu’ils attendaient avec impatience
l’officialisation des règles s’appliquant à leur secteur et
l’interdiction des plastiques à usage unique. Celle-ci,
initialement programmée au 1er janvier 2016, avait été
repoussée de six mois. Et encore, « les lobbys, qui
sont très forts, ont tenté de faire reculer la date »,
confie Ségolène Royal. « Ce type de sacs est un
symbole de l’hyperconsommation et constitue un sujet de
préoccupation des pays riches comme de ceux en développement. »
Le
29 avril 2015, l’Union européenne s’est dotée d’une
directive obligeant les Etats membres à adopter des « mesures
garantissant que le niveau de la consommation annuelle ne
dépasse pas quatre-vingt-dix sacs en plastique légers par personne
au 31 décembre 2019 », puis quarante, six ans plus
tard. Chaque pays est libre d’agir à sa guise
pour satisfaire cette exigence. Aiguillée sans doute par
quelques industriels, Bruxelles a néanmoins tenu
à vérifier que Paris ne trahissait pas la
moindre règle de concurrence avant de donner son accord au
lancement de ce plan de bataille.
Pollution
redoutable à terre, le plastique — essentiellement sous forme de
sacs — est un désastre écologique en mer. Une étude de la
Commission européenne constate par exemple qu’en mer du Nord, 94 %
des oiseaux en ont dans leur estomac. Une fois ingéré par les
poissons, le plastique se retrouve dans la chaîne alimentaire. Il
étouffe les coraux, empoisonne la majorité des tortues qui le
prennent pour des méduses. Ces dernières, elles, l’apprécient.
Il semble qu’à l’état de larve, elles se fixent sur ces
particules pour étendre toujours davantage leur conquête
des mers.
Martine
Valo
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